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Blade 2

14 Juin 2014, 14:22pm

Blade 2

Blade, mi-homme, mi vampire, continue sa lutte contre les seigneurs de la nuit. Mais lorsque ceux-ci doivent faire face aux faucheurs, nouvelle espèce vampirique aussi dangereuse pour les humains que pour les suceurs de sang, ils ne peuvent que demander à leur pire ennemi de leur prêter main forte. A la tête du "bloodpack", un commando de vampires surentraînés créé pour le détruire, Blade devra oublier sa haine et lutter contre le terrifiant Nomak, chef des faucheurs…

Mortelles séquelle

Guillermo Del Toro est décidément un cinéaste épatant (pour plus de détails sur le bonhomme, voir notre preview). S'il n'œuvre que dans un seul et unique domaine (le fantastique), il sait utiliser toutes ses facettes pour façonner à chaque fois des films différents, qui portent pourtant toujours sa marque. Si nous avions été assez déçus par son Echine du diable, un film à l'ambition paradoxalement muselée par un classicisme trop prudent, on ne pouvait nier que son intelligence portait la marque d'un grand cinéaste. Chose que l'on sentait déjà poindre avec Cronos et Mimic, ses deux précédents métrages. Mais avec Blade II, Del Toro montre son vrai visage, celui d'un surdoué du cinéma qui sait se plier aux exigences d'un film, tout en le sublimant. L'Echine du diable était un projet personnel et intimiste, et il fût réalisé comme tel, la forme s'adaptant au fond. Ici, le sujet est d'une toute autre nature : des vampires et des supers vampires se battent à coup de flingues, de kung fu et d'armes blanches. Adieu classicisme, Del Toro éclate le standard du film d'action et d'horreur, pour pondre un ovni carrément barré, où la caméra brise les barrières visuelles établies, s'envolant dans des circonvolutions seules aptes à rendre à l'écran le statut surhumain de ses personnages. Résultat : on en prend plein la tronche pendant 1h55…

Suite logique

Grand amateur du premier Blade, Del Toro a su en cerner les faiblesses pour magnifier le personnage central et son univers. Quitte à faire un film basé sur un héros de comic book, autant en intensifier les aspects les plus saillants. Ici, Blade se marre, lance des vannes, enlève ses lunettes… Il est moins torturé que dans sa précédente aventure, rendant le film plus jouissif. On y perd un peu noirceur, mais on y gagne en fun. Nanti d'un budget plus conséquent, et aidé par des technologies plus évoluées, le cinéaste mexicain élabore des scènes jamais vues à l'écran, comme ces quelques plans séquences (digitaux, mais qu'importe le vin…) qui suivent le héros dans ses acrobaties les plus folles : sans aucun cut, Blade court le long d'un couloir, saute par la fenêtre, atterrit quatre étages plus bas, sort son arme, tire sur deux vampires ; la caméra suit alors les balles tirées (toujours pas de cut) jusqu'à leurs cibles ! Au delà de l'aspect totalement jubilatoire de ce type de séquences qui réveillent en nous le "geek" attardé qui rêvait depuis des années de voir ça à l'écran, il faut noter la volonté de Del Toro de faire le maximum pour son film et son public. C'est cet esprit de générosité qui guide entièrement Blade II.

Crossroad

Au delà de la force visuelle de l'univers élaboré par Del Toro (couleurs chromatiques faisant immédiatement penser aux cases d'une BD), Blade II est aussi un film somme dans le sens où il convie toutes les "sous-cultures" populaires qui sont le fondement de l'entertainment d'aujourd'hui. Plus encore que dans le Matrix des frères Wachowski, qui empruntait chaque pan de son univers à une œuvre bien précise, Del Toro ingère pèle mêle la japanimation, le comic book, le jeu vidéo, le cinéma hong-kongais, et les films d'horreur, les mâchouille vigoureusement et nous recrache une œuvre synthétisant toutes ces influences, un kaléidoscope ébouriffant qui sidère la pupille à chaque instant. Jamais on n'aura vu à l'écran des scènes d'action aussi folles, aussi énergiques et aussi étourdissantes. Précisément parce qu'elles puisent leur origine dans ce qu'il y a de plus puissant dans chacun des genres précités. Totalement décomplexé, Blade II est peut-être le premier film à vraiment profiter de la mondialisation de la culture, sachant créer quelque chose de nouveau à partir d'une multitude d'éléments préexistants. Chaque scène navigue d'une source à l'autre de la façon la plus naturelle du monde. On se retrouve à contempler des gunfights, des arts martiaux, du cadrage dynamique, des poses vidéoludiqes et des plans gores, tout cela souvent convié en 1 minute de temps, sans jamais que le mélange paraisse forcé. Le naturel de ces imbrications montre combien, avant d'être un réalisateur, Del Toro est un fan de ces différents genres, et sait les intégrer à son langage cinématographique de manière fluide, sans heurts. Très fort !

Ambiances

Mais Blade II n'aurait été qu'à moitié réussi si ces empreints n'avaient été appliqués qu'au seul aspect visuel du film. Une fois de plus, Del Toro prouve sa maîtrise en appliquant le même traitement aux ambiances de son métrage. Du coup, on commence par une scène d'action purement destroy, pour continuer par un segment plus dramatique, puis viennent quelques scènes d'horreur viscérales, des séquences gothiques et crépusculaires, pour enchaîner sur un drame familial poignant, avant de finir avec une noté poétique et déchirante rendant hommage au Legend of Zu de Tsui Hark ! Une fois encore, cette navigation entre les différentes ambiances ne choque jamais, puisque induite par la cohérence visuelle du film, et par le scénario qui, très habilement écrit par David Goyer (rappelons le, le cerveau derrière les deux Blade, et bientôt le III), sait convier tous ces éléments de manière très intelligente. A ce stade, Blade II serait presque le blockbuster ultime, le chef d'œuvre absolu de l'entertainment hardcore. En fait, si le film manque de très peu ce statut (ceci dit, on a rarement vu mieux dans le genre, et il faudra certainement attendre Hellboy, le prochain Del Toro, pour passer au niveau supérieur), c'est, paradoxalement, à cause de ce même scénario que nous venons de couvrir de louanges. Car la structure narrative du métrage souffre d'un immobilisme gênant pendant les trois quarts de sa durée. Goyer pose le sujet, puis les affrontements s'enchaînent, sans que l'histoire ne progresse vraiment. Ce n'est que lors de la dernière demie heure que le tout prend une tournure plus dramatique, et parfait ainsi l'alliance du fond et de la forme. Blade II aurait gagné à faire naître cette exaltation plus tôt, atteignant ainsi un statut d'œuvre quasiment mythologique, un drame shakespearien dopé à l'extrême action. Heureusement, la maestria visuelle de Del Toro parvient sans peine à capter l'attention du spectateur, jusqu'à ce que l'enjeu réel soit dévoilé. Toutefois, ce défaut scénaristique empêche Blade II d'être le chef d'œuvre absolu du cinéma de genre. Il ne sera que l'un des meilleurs films de genre de tous les temps. Too bad…

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